WORKS 実績紹介 WORKS 実績紹介

BLOGブログ

“ABRAKADABRA” Vol.2 – Réalisation: Rintaro Musique: Toshiyuki Honda

Voilà enfin le deuxième “film-jouet” de Rintaro réalisé en solo sur son temps libre mais avec sérieux et persévérance. C’est un film qui vaut d’être chéri car son géniteur a vécu le pire cauchemar qu’on puisse imaginer. Après plusieurs mois de patiente création, un crash du disque dur de son Mac (pourtant le complice du réalisateur) a provoqué la perte de la totalité des éléments en cours de fabrication. Et maintenant, appréciez d’autant plus le résultat final que vous en savez tout le prix !

 

 

Shoko : Dès que j’ai vu apparaître le nom du cabaret (DADA), j’ai pressenti que tu avais mis dans ton film tout ce que tu aimes. Et je ne me suis pas trompée.

Rintaro: Non, tu ne t’es pas trompée. Mais ce que j’ai voulu privilégier, c’est avant tout le cabaret. En réalité, j’ai voulu rendre hommage à Paris, la ville de la volupté !

Shoko (souriant): Tiens, tiens ! Pour toi Paris est la ville de la volupté…

Rintaro: Tu connais le tableau l’Atelier rouge d’Henri Matisse. Eh bien, j’ai cherché à créer un espace visuel dans ce style-là. Je m’y suis appliqué, assis devant mon Mac, m’imaginant dans le cabaret fréquenté par Toulouse-Lautrec.

Shoko : C’est vrai que dans ton film, comme dans le tableau de Matisse, tous les objets sont éparpillés en à plat comme s’ils flottaient dans l’espace.

Rintaro: N’est-ce pas ? Au milieu d’eux, on voit le portrait de Charles Baudelaire au bas duquel j’ai ajouté un extrait pseudo-manuscrit de son poème La Géante. J’ai même mis derrière lui un dessin subliminal. Si tu veux en savoir un peu plus, je te conseille vivement de lire ce poème extrait des Fleurs du mal.

Shoko : La peinture, la littérature, la musique, la danse… Tout se retrouve mélangé dans une pagaille absolue, sans oublier le diorama du dinosaure !

Rintaro: C’est exactement ça, le cabaret DADA. La musique de Honda est elle aussi complètement déjantée. Le diorama du dinosaure qui apparaît tout au début est un des trésors personnels de Honda.

Honda: Vers la fin des années 90, a soudain paru une revue spécialisée en figurines qui se distinguait de toutes les autres: S.M.H. Et c’est Shigeru Yamazaki, le créateur des modèles du magazine, qui m’a offert ce dinosaure. Cette pièce unique au monde est devenue mon trésor ! Dans sa boîte, ce diorama est vraiment extraordinaire. Le décor du fond, étant d’une taille réduite, met tout en perspective !

Shoko : Les peaux des dinosaures et les détails du décor sont eux aussi impressionnants. Quant à ta musique, elle m’a une nouvelle fois séduite. Je ne peux m’empêcher de sourire à la surprenante cocasserie de ses accords.

Honda: Paris, la capitale de la France, est la ville de l’art, n’est-ce pas ? George Sand, la femme amoureuse, le compositeur Berlioz que l’écrivaine considérait comme un génie, les poètes Arthur Rimbaud, Verlaine… Plein de talents s’y réunissaient. A cette époque, Adolphe Sax, l’inventeur du saxophone, y vivait aussi alors qu’il était belge. Il faisait sûrement des fêtes pas possibles avec ses amis artistes (rire). C’est en pensant à ça que j’ai composé ma musique. Comme dans une marmite de bouillabaisse, j’y ai mêlé l’art, la jouissance, la décadence, et bien sûr l’érotisme dont Rintaro est entiché (rire).

Shoko : En français, on utilise souvent le mot “diversité” mais cette métaphore de la “marmite” me paraît fondamental pour toute création. Cette fois-ci, tu as utilisé non seulement des instruments mais aussi une voix.

Honda: “Ahaaa Iiiiii”, en fait, c’est ma voix ! C’est le cri des hommes primitifs dans Un million d’années avant J.C. (film produit par la société britannique Hammer Film en 1966). Ça n’a aucun rapport avec la France. Désolé ! Mais tu sais bien que je suis un tyrannosaure, “T-Rex Honda”, non ? Le cabaret DADA est un espace virtuel qui dépasse l’espace et le temps !

Shoko: Tu as utilisé ta propre voix !? Je suppose que tu l’a enregistrée dans ton diorama (rire).

Je voudrais savoir : chacun de vous est-il déjà allé dans un cabaret ?

Honda: Bien sûr. Ça a changé depuis lors. Mais, avant, au Japon, des groupes de musiciens jouaient dans des cabarets. C’étaient donc des lieux de gagne-pain pour nous. Comme je ne gagnais pas assez dans les clubs de jazz, je travaillais aussi dans des cabarets. Pardon de parler de trucs tellement triviaux (rire).

Rintaro: Moi, la première fois que je suis allé dans un cabaret, j’avais un peu moins de 30 ans. C’était avec mes collègues, le jour du Nouvel An. Aucun d’entre nous n’y était jamais allé. Très excités, nous nous sommes rendus dans un établissement très connu du quartier Kabuki-cho à Shinjuku, géré par un homme célèbre qui se faisait appeler le “Roi des cabarets”. Son accroche publicitaire était : “Palais pour les messieurs ! Ici, l’addition est claire et nette !” Nous sommes entrés, pleins d’ardeur, mais nous avons aussitôt été entourés par des hôtesses outrageusement maquillées. Nous sommes restés tétanisés, assourdis par une musique tonitruante et des cris aigus qui fusaient de toute part ! Comme nous venions d’assister à la fête du Nouvel An de notre studio d’animation, nous étions très élégants et l’un de nous portait même un kimono. Il était complètement décalé par rapport à l’ambiance du lieu ! Et moi tout autant puisque je ne bois pas une goutte d’alcool… Voilà ce qu’a été ma première expérience de cabaret ! Plus tard, j’ai su que les cabarets français n’avaient rien à voir avec ceux du Japon que les hommes ne fréquentent que pour être servis par des filles.

Shoko: En effet, à Paris, au 19e siècle et au début du 20e, les cabarets étaient de véritables lieux de culture. Malheureusement, aujourd’hui, la plupart des chansonniers ont disparu et même le Moulin Rouge, mondialement connu, n’est plus qu’un site purement touristique. Pourtant, dans ce contexte un peu désastreux, il existe au pied de Montmartre un lieu un peu à part et très vivant, le cabaret “Chez Michou”.

Rintaro: Ah, oui ! mon cher cabaret Michou ! Ça, c’est un des symboles de Paris, une des fleurs de cette ville de la volupté ! Mais ceux qui ne le connaissent pas et qui lisent notre conversation ne peuvent pas comprendre…

Shoko: Seuls les noctambules connaissent bien ce lieu. C’est un cabaret ancien qui fêtera ses 60 ans l’année prochaine et qui est connu pour ses shows transformistes de travestis.

Rintaro: Ce sont des artistes extraordinaires, qui s’investissent complètement. Avant le spectacle, ils servent eux-mêmes les plats et le vin aux clients. Il y a longtemps, on m’avait emmené dans un cabaret qui s’appelait l’Alcazar. Le décor art-nouveau de son entrée m’avait vraiment épaté. Je me suis dit “Un tel lieu existe donc dans le monde !” Les danseuses n’étaient pas très dénudées mais elles remuaient d’une façon extraordinaire leurs fesses, énormes comme celles de La Géante de Baudelaire. J’ai trinqué à leurs belles fesses… enfin, trinqué avec mon verre de jus de fruit (rire).

Shoko: Mais ton cabaret DADA peut tout à fait rivaliser avec ces cabarets parisiens puisqu’on peut y écouter en direct la musique de T. Rex. Honda. N’est-ce pas, Honda ? Tu te produis dans ce cabaret DADA depuis longtemps (rire) ? Ton costume, mais surtout tes chaussettes aux couleurs de l’arc en ciel, te vont à ravir !

Honda: Oui, ça fait bien longtemps. Ça va faire exactement 100 millions d’années ces jours-ci. N’oublie pas que je suis un T-Rex. Mon espèce doit continuer à évoluer sans s’éteindre. Il paraît que je suis devenu un genre d’oiseau. Dans ma restitution la plus récente, j’étais couvert de plumes multicolores et froufroutantes. Je vais essayer de rendre mes costumes encore plus voyants !

Shoko: J’ai hâte de voir cela. Bon, on va bientôt baisser le rideau de notre cabaret.

Rintaro: Avant ça, je voudrais juste un peu revenir à Baudelaire. Il paraît que parmi ses nombreux poèmes, l’évocation érotique de La Géante a provoqué un véritable scandale lors de sa publication. C’est aussi le fait que ce poème soit dérangeant qui me plaît et c’est pour ça que j’ai voulu rendre hommage à Baudelaire. Moi-aussi je suis prêt à déranger quand je crée. Enfin, je reconnais que je suis encore loin de son niveau en ce qui concerne l’érotisme. Mais je vais m’y appliquer. Je vous le promets ! Vous verrez, le 3e film de la série sera extrêmement poétique…

A chaque fois, j’exprime mon admiration pour de très grands artistes comme Picasso, Miro, Matisse… Vous saurez bientôt qui sera le prochain !

En japonais: ici